vendredi 29 avril 2011

Le maléfice du doute.

Petite réflexion d'un lendemain. Retour sur une aventure.
Peut être parce que dans chaque histoire, l'être réel ne correspond jamais exactement à l'être désiré, et que le moindre écart entre l'image projetée et l'image réelle est une faille où notre suspicion s'engouffre, et d'où rejaillit le doute, nombreux sont ceux qui aiment prendre la tangente avant même d'en avoir fait le tour.
 

Il semble que le monde soit coupé en deux. Il y a ceux qui fuient le doute, et d'autres, apparemment moins nombreux, qui veulent gratter pour le cerner et le lever.
Je dois être assurément plus souvent de la deuxième catégorie !
De ceux prêts à creuser en prenant le temps "des fois que", et non à abréger pour voir ailleurs.
De ceux qui s'accordent le bénéfice du doute. Plutôt que le dicton-couperet : "au moindre doute, pas de doute !"
De ceux qui voient dans le doute une source de bénéfice, et non de maléfice.

Alors quand parfois hélas, la personne s'enfuit avec ses doutes, et me prive aussi du plaisir de les décortiquer, ma peine est double.
Dans ce cas effectivement, le doute perdu est à jamais est source de maléfices. Comme le sentiment de malédiction qu'on ressent en regardant une noix emportée par la rivière et qu'on ne pourra jamais ouvrir...

mercredi 27 avril 2011

Clients coupables, marchands intouchables (partie 2)


Dans le billet précédent, j'évoquais ce que la tentation de culpabiliser pénalement les clients de la prostitution révélait comme effets pervers. Et je touchais du doigt qu'au delà du cas de la prostitution, le réflexe de faire porter le chapeau au consommateur était plus que répandu dans ce monde de commerce débridé.

Aveu d'impuissance et impasse morale

Chaque recul des libertés individuelles (comment interdire à deux adultes consentants d'avoir des relations sexuelles tarifées?) traduit un aveu d'impuissance de l'intérêt général face aux déviances de quelques intérêts particuliers. Et au delà, le fait que les militants de la cause féminine n'aient plus comme dernier recours que la culpabilisation des clients de la prostitution, illustre l'impasse morale dans laquelle nous mènent les autoroutes idéologiques du libéralisme économique. 
On ne saura pas dans l'époque actuelle comment se passer du recours à la prostitution, parce que tout concourt au contraire à son essor.

Se vendre pour pouvoir tout acheter

La prostitution nous hante car dès l'entrée dans sa vie d'adulte, l'individu devra se vendre sur le marché du travail s'il veut "trouver sa place dans le trafic", comme le chantait Cabrel.
Et le désir et la frustration sont les cordes sensibles de l'individu que les marchands viennent chatouiller à longueur de journée à coup de publicités toujours plus ou moins érotisées. L'addiction à cette soupe quotidienne, provoquant un mélange permanent de plaisir et de douleur, garantit aux marchands que les individus resteront corps et âme disponibles pour le bon fonctionnement du marché...



Organisation Commerciale du Monde

On répète à l'envi que tout est marchandise, qu'il faut toujours aller plus vite, que chaque individu doit assouvir ses besoins, que tout peut se monnayer... Le commerce est présenté comme l'avenir de l'Homme, au point que depuis les dernières décennies les gouvernements nationaux n'ont cessé de se plier aux injonctions de l'Organisation Mondiale du Commerce, qui même si la crise lui a fait adopter un profil bas ces derniers temps, mérite plus que jamais son surnom d'Organisation Commerciale du Monde.

De cette idéalisation du commerce, il semble que l'on ne puisse transiger sur le droit de vendre. Si les choses se vendent,  c'est qu'il y a un besoin nous dit-on. L'idéologie néolibérale nous explique qu'il faut laisser faire, qu'il existe une main invisible qui fait en sorte que tout se régule dans le meilleur des mondes, pourvu qu'on laisse régner la loi de l'offre et de la demande.

La faute aux consommateurs.

Et naturellement donc, si toutefois le monde va mal, c'est à cause des consommateurs, qui ont des mauvais besoins, et qui ont surtout le tort de ne pas être vertueux que leurs voisins. Combien de fois n'a-t-on pas entendu que c'est au consommateur de faire changer les choses. Comme s'il en avait le pouvoir, alors qu'il est juste atomisé dans son coin, et que tous les sacrifices qu'il pourra accomplir équivaudront à pisser dans un violon.
Au consommateur de consommer éthique, de manger bio, de ne pas acheter des produits chinois fabriqués par des enfants prisonniers, vérifier ce qu'il achète, etc, etc...
Le marchand, lui, doit faire du profit. Ce serait son droit, et son seul devoir?

Abdication ?

Dans le fatalisme qui mène à en appeler à la responsabilité du consommateur plutôt qu'à celle du marchand, il y a un triste renoncement. Un postulat devenu si évident qu'on en n'aurait même plus conscience. L'humain serait intrinsèquement véniel, cupide. Il aurait le droit de faire du profit avec tout. On ne le changera pas. Il y aura toujours des proxénètes, des escrocs et autres nuisibles irresponsables parmi nous. Et ensemble on ferait du commerce de tout et n'importe quoi comme on respire, sans y penser, pourvu que qu'on en tire du profit.
Dans cet état d'inconscience généralisée, nous aurions nous, les passants honnêtes et anonymes, à vivre avec, en nous imposant de glorieux sacrifices et des interdits moraux pour nous en protéger, et porter seuls la responsabilité de la destinée du monde...

Label rose... ou démarchandisation ?

Que l'on parvienne - ou non - à neutraliser un jour les proxénètes, les escrocs, les pollueurs, les esclavagistes... et avant que l'on ne parvienne à faire prendre leurs responsabilités aux puissants de ce monde (si tant est que ce ne soient pas les mêmes que les précédents),  je vois de toutes façons deux pistes, amusantes à priori, mais pas si fantaisistes que ça, pour nous tirer vers le haut. Et comme il n'y a pas de mal à se faire du bien, commençons par la question du plaisir.

La première, c'est la méthode en vogue en ce moment. C'est la piste de labels en "ique" et en "able" : éthique, responsable, raisonnable, écologique, respectueux, durable ou que sais-je encore.
Ce n'est pas la piste la plus romantique, mais elle a le mérite d'être la plus carrée.
Sortir de l'hypocrisie et des cache-sexe, et enfin accepter que la prostitution soit une activité professionnelle à part entière. Avec des agréments délivrés qui garantissent que la personne exerce son activité en toute liberté, indépendance et sécurité. Les clients qui ne passeraient pas par cette filière seraient effectivement alors passibles de poursuites.

L'autre piste, pour les rêveurs à long-terme comme moi, consisterait à engager dès aujourd'hui les grandes remises en cause culturelles et éducatives pour apprendre à nous passer de la prostitution. Tout en trouvant, pourquoi pas, dans le plaisir sexuel en particulier, la source de motivation dont l'humanité a besoin pour initier le reflux. Utiliser l'énergie de notre addiction au cul pour nous libérer de notre addiction à l'argent, repenser les rapports entre l'individu et ses congénères, et retrouver la liberté dont la pensée économique nous a privés.
Et retrouver du temps. Temps de se libérer de ses jugements, temps de séduire et être séduit, temps d'apprécier, temps de baiser, temps d'aimer. Sans compter. Penser respect, confiance et générosité comme source de richesse. Acceptation de l'altérité et de la diversité. Et enfin retrouver la fluidité de la gratuité.
En un mot, la "démarchandisation", terme dont je suis impatient de vous en décrire dans un prochain billet tout ce que cela m'évoque...

mardi 26 avril 2011

Clients coupables, marchands intouchables (partie 1)

A propos de la nouvelle proposition du gouvernement français de pénaliser les clients de prostituées pour lutter contre le proxénétisme...
Première réaction, j'apprécie cette démarche pleine de bons sentiments, mais ma réserve est peu ou prou semblable à celle qui est très bien exprimée ici.
Puis en grattant la symbolique de cette perspective, m'apparait une multitude d'éclairages sur l'air du temps.

Le client, un consommateur, comme les autres?

En regardant derrière nous, on sait bien que la prostitution existe depuis toujours, et a depuis toujours beaucoup agité le clivage hommes/femmes. A l'image des asymétries bien connues : domination masculine physique et sociale, désir sexuel masculin généralement plus constant, aveugle et machinal que son équivalent féminin. Historiquement associée à des populations confrontées à de significatives périodes d'abstinence sexuelle (les marins, les soldats...), cette activité s'est généralisée avec l'entrée en lice d'une autre typologie de clients : l'homme marié.
L'homme marié, enfermé dans la relation monogame exclusive du mariage, et tributaire des rares sursauts de désir mutuel qu'il ressent avec son épouse. L'homme marié, tiraillé entre l'appel de son corps et la loyauté morale envers sa femme et la société.
Qui va plus ou moins lâchement se résigner à basculer dans la clandestinité et choisir la voie de l'adultère, ou plus facilement encore celle du commerce illicite. Parfois avec l'assentiment silencieux et plus ou moins résigné de l'épouse.

En inscrivant l'activité sexuelle sous la coupe du mariage, on a résolu pas mal de soucis (hygiène sanitaire, et surtout responsabilité de la procréation) mais on ne pouvait faire autrement que tolérer des soupapes illicites : l'adultère et la prostitution...


Églises et trottoirs, cohabitant partout pour le meilleur et pour le pire...



Aujourd'hui, lentement, avec la libéralisation des mœurs et l'émancipation des femmes, cette asymétrie s'atténue. L'épanouissement sexuel est en train doucement de se découpler de l'idée même de la vie amoureuse, au point que les femmes peuvent s'autoriser des comportements jusqu'ici réservés aux hommes, comme en attestent par exemple la prolifération de sites marchands pour les femmes "couguars", mettant en relation de hommes jeunes (bénévoles à priori) avec des "clientes" plus âgées.

Par ailleurs la société de consommation a également englobé la question des loisirs, puis du bien-être (centre de soins, thalasso, massages..). Il n'y a rien de choquant à se faire papouiller par des gens que l'on paie pour se faire choyer.

Assailli au quotidien par toutes sortes de sollicitations, on fini par s'y habituer. Payer pour vivre du plaisir sexuel est une transgression de moins en moins effrayante, au point que l'on puisse dire aujourd'hui que les clients pourraient être monsieur ou madame Toulemonde.

La tentation de la prohibition

Que ce soit avec perpétuation de l'institution du mariage qui impose aux membres des couples de vaines périodes d'exclusivité sexuelle ou d'abstinence selon l'humeur du conjoint, ou bien avec la généralisation du comportement de consommation commerciale pour subvenir à tous nos besoins assumés, il me semble acquis que le recours à la prostitution a de beaux jours devant soi. Vouloir le bannir par l'autorité, la force, quelle que soit la noblesse de la cause défendue, me semble aussi prometteur qu'instaurer la prohibition pour lutter contre l'alcoolisme. Mais ce n'est pas le seul effet pervers que je vois dans cette piste.

Culpabiliser n'est pas responsabiliser

Il me semble que la loi existante prévoit déjà de sanctionner la plupart des fléaux colportés par la prostitution : détournement de mineurs, abus de faiblesse, non assistance à personne en danger...
Le client est adulte et pénalement responsable. Il est responsable de vérifier qu'il n'a pas à faire à une mineure, ou une personne en grande détresse, sous influence, otage de son mac. Oui le client doit assumer ses responsabilités. Encore une fois, ne peut-on pas mieux faire respecter les lois existantes avant d'en créer de nouvelles?
C'est d'autant plus regrettable qu'en "packageant" ces composantes dans une loi plus dure, on les dilue en déplaçant le problème vers le terrain d'un jugement moral culpabilisant, infantilisant, et donc finalement encore moins responsabilisant pour le client. En perdant en pédagogie, je ne suis pas sûr qu'on gagne en efficacité.

Constat d'impuissance et terrain glissant : la tentation du coupable idéal

Je sais bien que ce qui motive cette volonté, c'est l'idée "d'assécher" le marché, pour affaiblir les proxénètes. Cette approche considère de facto le client en complice passif du proxénète, pour la seule raison qui consiste à dire que si le client n'existait pas, le proxénète n'existerait pas.
Ce n'est pas faux, mais c'est un raccourci révélateur d'une impuissance, le genre de raccourci qu'on n'aimerait pas trop banaliser.
On pourra décréter aussi un jour qu'il sera interdit d'acheter des véhicules d'occasion pour lutter contre le recel de véhicules volés. Puis pourquoi pas considérer que les filles trop désirables devraient rester cachées, car si elles n'existaient pas, les violeurs n'existeraient pas. Et pourquoi pas affirmer qu'après tout c'est un peu de leur faute s'il y a des viols?
Face à la jeune fille aguicheuse, le père de familles graveleux qui va aux putes peut revendiquer haut la main la meilleure tête de coupable idéal. Quoi qu'il en soit, aucun des deux ne peut être tenu responsable des crimes du violeur ou du proxénète.
L'impuissance provoque souvent des glissements de responsabilité qui nous font trouver des coupables au mauvais endroit...

Cette histoire me fait prendre conscience que la tentation de faire porter la responsabilité au consommateur en bout de chaine n'est pas spécifique au cas de la prostitution, et c'est pourquoi ce billet en annonce un suivant, plus global, sur le thème de la marchandisation de l'activité humaine....



NB : afin de prévenir toute spéculation pouvant rendre le débat sensible sur ce genre de sujets polémiques, je précise que si mon raisonnement fait apparaître quelques biais dans un sens ou dans l'autre, je ne pense pas qu'il puisse être imputable à mon vécu personnel. Je me sens assez neutre sur le sujet...Ok je suis un gars, mais Je n'ai jamais été ni client, ni prostitué, ni proxénète :-) Plus sérieusement je n'ai jamais été attiré par les relations tarifées, je suis plutôt heureux de n'avoir jamais eu besoin d'y recourir, mais n'y accorde aucune fierté particulière.

lundi 18 avril 2011

Lendemains sans aventure

Je n'ai rien contre les aventures sans lendemain. Elles peuvent être parfois très belles.
Ce que je n'aime pas dans aventures sans lendemain, c'est le lendemain. Car il est censé ne pas être là, mais il y est quand même.
C'est ainsi, les aventures sans lendemain sont toujours suivies de lendemains sans aventure.
Lendemain abrupt, lendemain morose.
Lendemain sans horizon, lendemain à jamais inachevé.
Lendemain à se trouver laid alors qu'on était beau la veille.
Lendemain de lutte contre le manque, qui occupe tout le volume déserté par l'euphorie.
Lendemain consacré à penser à ne plus penser, à se rappeler qu'il faut oublier.
Oublier ce qui aurait pu, ce qui aurait dû.
Oublier que la chrysalide est morte cachée alors qu'elle aurait dû éclore en plein jour.
Si on s'était seulement donné le temps.
Oublier qu'une histoire merveilleuse dans nos imaginaires aurait pu devenir belle dans la réalité.
Si on avait seulement accepté de s'accepter.
Oublier qu'on aurait pu laisser une chance au rameau qui veut encore y croire, même si le tronc semble résigné.


Il devrait être interdit de priver une aventure de son lendemain.
Un lendemain qui chante, pluvieux ou ensoleillé, peu importe, mais curieux et tranquille, comme un petit déjeuner qui dure toute la journée.
Un lendemain à s'échapper dans la nature, au grand air, main dans la main, à gravir d'humbles mais spectaculaires sommets qu'on aurait fait notres.
Se découvrir pour de vrai, toucher du doigt nos imperfections, effleurer nos cicatrices, les accepter et les choyer, et se fondre dans le paysage.
Le trouver plus beau quand on y est.
Dans un instant même éphémère. Mais gravé en nous à tout jamais.

mercredi 13 avril 2011

Laisse le ricin pris dans le porcin

Une eau pure et limpide s'écoule doucement dans un doux clapotis et cette contemplation m'hypnotise.
- "Papa il est sur la lune" s'exclame mon gamin.
- "Dans la lune" rectifie mon ainée.
- "Tu reviens avec nous?" me demande leur mère.
- "Oh je n'étais pas parti !" les rassure-je, tant bien que mal.
A vrai dire j'étais en train de me dire que décidément, c'est triste, de devoir filtrer l'eau pour la boire avec cette carafe bizarre, alors que quand j'étais gamin, on buvait au robinet sans se poser de question. C'est triste de se dire qu'on ne sait plus récupérer d'eau potable depuis nos nappes phréatiques... Avant il fallait se protéger des menaces de la nature, maintenant ce sont celles de l'homme qui nous imposent le plus de vigilance...
Mais oui, reviens parmi les tiens, père indigne.
- "Tiens-toi bien, nettoie tes doigts, et finis ta côte de porc, on n'est pas des cochons quand même !" assène-je à mon second, qui récupère dans mon courroux un supplément gratuit d'irritation, gracieusement offert par la conscience de cette présence résiduelle de nitrates, pesticides et chlore dans mon verre d'eau.
- "Papa, si on serait des cochons et qu'on mange des côtes de porc, on serait des cannibales !" remarque mon ainée, toujours à l'affût des subtilités de ce genre.
- "C'est pas faux" rétorqué-je, préférant dans la foulée préciser le bon usage du conditionnel, avec les si qui font pas des ré, plutôt que d'avouer que la condition est sans doute déjà vérifiée et que le présent de l'indicatif convient très bien.
Oui, avec la nourriture qui est utilisée dans l'élevage industriel, même si sur le papier on a banni l'utilisation des farines animales, on cherche quand même à donner une alimentation très protéinée qui pourrait définitivement faire basculer le porc dans la catégorie des carnivores. Bien malin qui pourrait affirmer que ces protéines n'ont jamais été un moment ou l'autre d'origine porcine...

Et qu'est-ce qui nous distingue des cochons finalement? On mange la même chose, on a les mêmes maladies, on prends les mêmes médocs, et on se comporte à peu près pareil. On consomme tout ce qui passe et on vit au milieu de nos déchets. En mangeant du porc, on mange donc un peu nos congénères !

Je décide d'enchaîner et déplacer la discussion vers un registre un peu plus culinaire et instructif pour mes enfants. La cuisson de la viande de porc. Voilà un bon sujet éducatif.
Je vais simplement expliquer que depuis la nuit des temps, on fait cuire à fond la viande de porc, car comme ils mangent un peu comme nous, on a à peu près les mêmes microbes, alors il faut être bien sûr aussi de bien faire cuire les microbes aussi, pour ne pas que ce soit eux, les microbes, qui nous mangent.
Le boeuf, lui, mange de l'herbe bien verte et on peut donc le manger bien rouge. C'est logique.

Le cochon , c'est rose. Mais il ne faut pas le manger rose. Il faut le manger bien cuit.
Oui mais papa, le jambon cuit, c'est rose !
Bon ok, mauvais exemple, ma fille. Ça, c'est à cause des colorants.

Non, le porc, c'est bien cuit, disais-je sinon ça peut nous rendre malade.
Encore que.
En théorie il y a belle lurette qu'il n'y a plus de trichine dans le porc.
Mais justement. On peut tomber malade parce que maintenant dans le porc on y trouve trop de médicaments.
Alors il est impératif de bien le faire cuire, histoire de se donner le maximum de chance de dégrader les molécules d'antibiotiques et autres potions miracles, même données à bon escient, dont les éleveurs sont friands pour assurer les meilleurs rendements. Finalement, les causes varient, mais les traditions persistent.

Drôle de monde, où nous voilà en train de sombrer à nouveau dans les mêmes angoisses, les mêmes paranoïa, les mêmes superstitions que nos ancêtres.
Je lis ce jour que d'étranges candides éclairés autoproclamés s'en étonnent... Oubliant étrangement que la vraie main invisible qui a nous a conduit à cette psychose est celle qui a été délibérément et ouvertement célébrée par nos puissants depuis trois décennies pour justifier la "mondialisation", cette grande kermesse dédiée au culte du profit individuel et à l'irresponsabilité collective, qui a laissé la place du village mondial dans un sale état. Et un climat de suspicion généralisée.

Mes enfants, vous débarquez parmi nous en plein crépuscule de la société de consommation.
Pour masquer nos peurs, nous entretenons le déni. Pas besoin de tout remettre en cause, nous sommes suffisamment malins pour trouver des solutions à tout.
Et tandis que nous ne nous savons plus trop que faire de nos déchets, nous nous prenons à rêver d'une sorte d'utopie porcine. Oui nos déchets sont parmi nous et la tentation est grande de s'en nourrir en espérant les éliminer. Et ne plus y penser.

Et de me souvenir qu'il y a plus de 10 ans maintenant, un prophète singulier nous l'avait annoncé, avant de s'éclipser, pour ne pas laisser au cancer le soin de le faire.
Mes enfants, mangez bien pour bien grandir et soyez prudents, la déliquescence qui n'en finit plus de finir va vous compliquer la tâche. Tout est à réinventer, et la partie de chamboule-tout risque d'être interminable...

vendredi 8 avril 2011

Energies fossiles, territoires inertes, planète flétrie...

Bien sûr, les techno-rêveurs (en gros les rares mais influents décideurs qui ont pris Claude Allègre comme porte parole) vont nous dire qu'en nous interdisant l'usage de l'énergie atomique, nous nous révélerions plus frileux que nos ancêtres. En effet ceux-ci ne s'étaient pas privés d'utiliser l'énergie du feu, alors qu'il n'en maîtrisaient ni la théorie, ni la pratique.
Et malgré de dramatiques incendies au cours de l'histoire, c'est ce qui a permis à la civilisation de se développer.

C'est vrai, nos ancêtres ont été courageux. Mais surtout chanceux. Car si l'eau n'éteint pas toujours le feu, le soleil peut en réparer les dégâts. Plus ou moins rapidement.
Le feu ne fait que séparer les atomes et recompose les molécules. Et le soleil les reconstitue tôt ou tard comme à l'origine, avec la complicité de la vie. Ou le contraire.
Le feu anéantit ce que la vie a construit, mais la vie est coriace, elle ne renonce jamais à toujours tout reconstruire.



L'énergie nucléaire, elle, est plus terrifiante. Elle détruit l'atome. Elle détériore la matière de façon irréversible à ce jour. Et les incendies qu'elle déclenche ne s'éteignent ni avec l'eau, ni avec rien. Et les dégâts qu'elle provoque ne se réparent ni avec le soleil, ni avec le temps à l'échelle humaine.

Qu'à cela ne tienne, la tentation est grande de prélever quelques poignées d'atomes, parmi les plus inflammables de la croûte terrestre, pour nourrir ce feu terrifiant en proclamant qu'on saura toujours le maitriser en le confinant.

Et de déclarer que quand le feu nucléaire s'échappe, ce n'est pas la faute au feu, mais qui d'une erreur humaine, qui d'un séisme, qui d'un tsunami improbable.
Et que c'est mieux que de consommer des énergies fossiles qui dégagent des gaz à effet de serre (occultant ainsi que l’énergie atomique, stockée de puis la création de l'univers, est un fossile encore plus ancien que les hydrocarbures du carbonifère, et que les déchets du nucléaire sont encore plus nocifs et durables que les tonnes de CO2 qu'on balance dans l'atmosphère).

Et puis au pire de s'en remettre au bon vieil adage qui dit qu'on ne fait pas d'omelette sans casser les oeufs.
Et de déclarer, comme pour l'usage de l'amiante, que son utilisation a sauvé plus de vies qu'elle n'en a détruites. Bah oui, on nous explique que l'amiante était la meilleure protection incendie qui soit, et que sans amiante des incendies dans les immeubles auraient provoqué bien plus de morts que les cancers.
C'est avoir bien peu d'estime pour la clairvoyance humaine. Si l'amiante n'avait pas existé, aurait-on persisté à fait des constructions concentrées et vulnérables au feu?
C'est pareil pour le nucléaire. Sans nucléaire et pétrole, ces énergies trop faciles, n'aurait-on pas cherché à nous développer sur des infrastructures moins gloutonnes en énergie?
On choisit toujours la facilité, et on rationnalise toujours à posteriori.
Un jour on va nous expliquer qu'on pourra consommer l'eau des océans, ou puiser de la lave du centre de la terre pour continuer à façonner notre environnement pour notre petit confort et nos besoins les plus futiles. Surtout continuer à croire que tout est illimité, pour continuer à se gaver de ce grand buffet à volonté. Ne pas se priver aujourd'hui, on se débrouillera demain.


Telle est la philosophie appliquée partout. Y compris et surtout dans l'économie, matrice de toutes ces dynamiques, qui nous fait célébrer le culte de la croissance comme si c'était l'essence du progrès, alors que la croissance n'est rien d'autre qu'une fuite en avant.
La croissance consumériste, c'est l'illusion de la lumière qui se répand, alors qu'en réalité c'est la bougie qui se consume.

Philosophie qui pourrait se résumer ainsi : "Se goinfrer aujourd'hui, assumer plus tard".
"Plus tard", qui rime déjà avec "trop tard" sur certaines zones de la planète.
Et qui vivra verra. Ou pas.



Illustrations :
- la guerre du feu (photo trouvée sur le web)
- planète plutar de Gérard Mathieu (http://www.alternatives-economiques.fr/dessins_gerard_mathieu)

mardi 5 avril 2011

Kärcherisation au kérosène

Et ça continue, encore et encore, c'est que le début, d'accord, d'accord...
Après les auvergnats de son prédécesseur, notre nouveau quelqu'un de l'intérieur continue à trouver d'opportuns poseurs de problèmes, comme ailleurs d'autres trouvent des poseurs de mines pour servir leur ignoble dessein.
Hier les français qui ne sentent plus chez eux, puis les croisades et aujourd'hui le nombre de musulmans. On attend la suite.
Les voir piétiner l'air de rien, avec leurs gros sabots, les bordures en devers qui mènent dans les glauques marécages pourrait avoir le côté amusant que confère le ridicule, si cela n'était pas susceptible de mettre le pays à feu et à sang.

Ta fonction, tu l'assumes, où tu la quittes ! (bordel)
Alors oui, la proportion de la population immigrée a sans doute augmenté. Oui l'intégration de ces populations n'est pas évidente. Cela génère des conflits de valeurs tout autant que des conflits de voisinage. Oui la religion a toujours d'autant plus foutu la zone dans l'humanité qu'elle prétendait maintenir l'ordre.
Et oui il y a des solutions à trouver. En permanence.
Mais c'est votre job, Guéant et Sarkozy. Trouver des solutions. Et non pas exacerber des problèmes, pour faire des écrans de fumée et vous maintenir à vos postes. Alors assumez !


Levons l'immunité pénale accordée au (ir)responsables.
Il est irresponsable d'alimenter les mouvements de foule qui agitent la population en agitant le chiffon d'une "invasion" qui finirait par instaurer la charia en France, et ce d'autant que nombre de pays arabes connaissent des mouvements progressistes sans précédents (et on ne peut pas dire qu'on les ait bien appuyés, hein?).
Il est criminel de vouloir détourner l'opinion des autres enjeux bien plus grave du moment : une crise environnementale qui s'aggrave tous les jours, en montrant qu'entre effet de serre et le nucléaire, notre modèle de développement nous promet la peste ou le choléra, et l'effondrement du capitalisme travesti sous le mythe de mondialisation heureuse, torpillé par la supercherie des marchés financiers parasites.
Qui peut encore croire que le problème du moment, ça reste le musulman?
Un jour il vous faudra rendre des comptes. A nos gamins. J'espère que ce ne sera pas à titre posthume.



Mauvais scénario
Il y a quelque chose qui m'effraie presque plus que la perspective Marine Le Pen, c'est le Sarkozy qui se remet à nouveau à marcher sur les traces d'Ariel Sharon.
Ariel Sharon a multiplié les provocations auprès des palestiniens après l'échec du processus de paix Israélien, jusqu'à déclencher la seconde Intifada qui lui a permis de régner sans partage sur son pays à feu et à sang pendant des années.
Une stratégie qui a sans doute déjà inspiré Sarkozy lorsqu'il s'est mis à rouler des mécaniques en provoquant "la racaille", avec son kärcher, sur la dalle d'Argenteuil, déclenchant dans la foulée cet embrasement des banlieues qui l'a sans doute porté au pouvoir.

Aujourd'hui en difficulté dans les sondages, Sarkozy semble n'avoir plus rien à perdre. Et il semble aussi que les Hortefeux et Guéant soient missionnés pour remettre du kérosène dans le kärcher.
Le risque est grand aujourd'hui de voir des musulmans excédés péter les plomb et être poussés à la faute. Du velours pour Sarkozy...

Ce gars là semble prêt à tout pour s'accrocher à son fauteuil. Espérons même qu'après Sharon, il ne va pas symboliquement marcher sur les traces de Gbagbo, en s'accrochant au pouvoir quelles qu'en soient les conséquences pour le pays et la population.
Pourvu que ma paranoïa chronique, symptôme des irradiations malsaines que les accrocs du pouvoir nous infligent chaque jour, ne soit pas renforcée par cet épisode. Malheureusement la tendance n'est pas bonne.
A moins que, miracle, Sarkozy fasse enfin preuve de ce qui lui a toujours manqué jusque là : la dignité...